César Moro, une vie, une œuvre
Né le 19 août 1903 à Lima, Pérou, sous le nom d’Alfredo Quipez Asín, il en change à vingt ans pour prendre celui de César Moro, nom d’homme et de poète. Dès l’âge de seize ans, il fréquente le cercle littéraire du grand poète José María Eguren. En 1925, il part pour Paris après avoir publié quelques poèmes et dessins dans des revues péruviennes. A partir de 1928-29, intégré au groupe surréaliste autour d’André Breton – qu’il admire à l’égal de Paul Eluard – il commence à écrire ses poèmes en français dont l’un, « Renommée de l’amour », paraît dans le n°5 de Le surréalisme au service de la révolution en 1933. Il entretient cette veine en français aussi bien à Lima – de 1933 à 1938 – qu’au début de son séjour à Mexico (1938-1948 avant de connaître une grande passion pour un officier mexicain, Antonio Acosta Martinez, qui lui fera composer les poèmes en espagnol de La Tortuga ecuestre vers 1939-1940 ainsi que l’un de ses plus beaux poèmes en français, « Lettre d’amour », publié au Mexique en 1942. Les cinq années passées à Lima lui auront donné l’occasion d’organiser – en 1935 – la première Exposition continentale d’artistes surréalistes en l’accompagnant d’un Catalogue poétique et pamphlétaire où se trouve mis en cause le poète chilien Vicente Huidobro, puis – en 1939 – de lancer avec son ami, le poète Emilio Adolfo Westphalen, le premier et unique numéro de la revue El Uso de la Palabra (L’Usage de la Parole). Les dix ans de son séjour mexicain sont marqués par une intense activité poétique avec ses amis Agustín Lazo et Xavier Villaurrutia, les surréalistes français en chemin vers les Etats-Unis – André Breton, Benjamin Péret – et d’autres comme Wolfgang et Alice Paalen, Alice Rahon, Eva Sulzer ou Leonora Carrington. Il réussit à publier à compte d’auteur un recueil de poèmes – Le château de grisou – (1943) et une plaquette qui fera sa réputation : Lettre d’amour (1944). Il monte sur place avec Paalen l’Exposition internationale du surréalisme à l’initiative de Breton dans les premiers mois de 1940 et rédige la préface du catalogue de l’exposition mais, dès 1944, il prend progressivement ses distances avec Breton dont il n’apprécie pas la revue VVV que ce dernier dirige à New York et encore moins les positions sur l’amour qu’il manifeste dans Arcane 17.
De retour, définitivement, à Lima en 1948, vivant dans des conditions extrêmement précaires d’un emploi de professeur de français au collège militaire Leoncio Prado, il se consacre à une poésie encore plus exigeante et dégagée de tout contexte dont Amour à mort, publié par André Coyné en 1958, offre un singulier reflet. Il meurt de maladie le 10 janvier 1956 à Lima.
Sa renommée en Amérique latine– inversement proportionnelle à la diffusion limitée de son oeuvre et à sa méconnaissance en France – est due pour l’essentiel aux efforts menés par ses amis – André Coyné, E.A. Westphalen – ses critiques – Américo Ferrari, Ricardo Silva Santisteban, Julio Ortega, Armando Rojas – et ses célèbres admirateurs – Octavio Paz, Mario Vargas Llosa – pour faire connaître une oeuvre semée à tous vents et qui attend encore de rencontrer une audience à sa juste mesure.
Œuvres publiées du vivant de Moro :
Le château de grisou, éd. Tigrondine, Mexico, 1943.
Lettre d’amour, éd. Dyn, Mexico, 1944.
Trafalgar Square, éd. Tigrondine, Lima, 1954.
Oeuvres posthumes :
La Tortuga ecuestre y otros poemas (1936-1939), Lima, 1957.
Amour à mort et autres poèmes (1948-1955), Paris, 1957. (Réédité et révisé par André Coyné aux éd. La Différence, coll. Orphée, 1990).
Los anteojos de azufre, proses critiques réunies par André Coyné, Lima, 1958. Ces poèmes…, édition bilingue, traduction d’Armando Rojas, éd. La Misma Libros Maina, Madrid, 1987.
L’Ombre du paradisier et autres textes, proses (1939-1945), éd. bilingue (traduction de Franca Linares), tiré à part de la revue Umbral II, éd. Antarès, Lima, 1987.
Raphael, recueil de poèmes-collages (1936-1937) publié et traduit par Armando Rojas et Ricardo Silva Santisteban, tiré à part de la revue Lienzo n°11, Université de Lima, Pérou, juin 1991.
Obra poeética I, première compilation réalisée par Ricardo Silva Santisteban, INC, Lima, 1980.
Couleur de bas-rêves tête de nègre, poèmes (1933-1934), supplément au n°9 d’Altaforte, Lisbonne, 1983.