Camille Lacau St Guily
Type.s : Ouvrages individuels
À la fin du XIXe siècle, alors que l’Europe assiste au retour triomphal de la métaphysique dont Henri Bergson est une figure de proue, sur le positivisme, l’Espagne de la Restauration bourbonienne fait figure de résistante. La répartition bipolaire de l’intellectualité espagnole, entre les conservateurs néo-thomistes et les réformateurs de plus en plus attirés par la psychologie scientifique notamment, rend le dialogue primordialement impossible avec le bergsonisme. Seul Leopoldo Alas, dit Clarín, tente alors de faire entendre la « philosophie nouvelle », dans son pays. Après que le bergsonisme a été boudé, durant ces premières décennies d’existence par l’Espagne, la crise théologique moderniste de 1907 précipite son entrée dans la péninsule. Les premiers acteurs « philosophiques » du bergsonisme sont anti-bergsoniens et catholiques. Cet anti-bergsonisme religieux se double d’un rejet politique, pendant la Grande Guerre, principalement lors de sa visite diplomatique à Madrid, en mai 1916. Parallèlement, les réformateurs, férus de pédagogie, qui ont créé en 1876 la Institución Libre de Enseñanza, découvrent la conceptualité bergsonienne qu’ils intègrent progressivement, entre 1900 et 1930, dans leur nouvelle science psychopédagogique. Toutefois, les véritables acteurs de la régénération métaphysique sont les poètes symbolistes, appelés « modernistes » en Espagne, puis les avant-gardes esthétiques. Ce sont eux qui transfigurent le bergsonisme en une (méta-)physique intime et organique. Ce n’est que dans un second temps, dans les années 1910, et non sans obstacles, que les spécialistes espagnols de philosophie intègrent le bergsonisme.