Après le projet de recherche “Face à la catastrophe”, développé entre 2012-2017, l’équipe du CRIMIC a choisi d’aborder à partir de 2018 une nouvelle thématique pour le nouveau projet quinquennal, « Penser la capitalité ».
Cette réflexion, qui portera sur les mondes de la Péninsule ibérique, d’Afrique lusophone et d’Amérique latine, s’inscrit dans la continuité des travaux précédemment menés, notamment sur les imaginaires du territoire et la ville (Madrid, Barcelone, etc.) et sur la dimension symbolique des espaces.
Nous aborderons le thème « Penser la capitalité » dans une démarche autant documentaire (inventaire des sources, recueil des données, analyse des faits…) que réflexive et épistémologique (comment construire un objet peu étudié, la capitale, à partir de multiples disciplines).
Présentation de la thématique
Les travaux menés au cours des années précédentes sur les deux capitales de l’Espagne, Barcelone et Madrid, l’une plutôt culturelle, l’autre politique, leurs histoires et leur rivalité pour ainsi dire archétypique, nous ont sensibilisés à l’intérêt de ces questions, intimement liées à l’histoire des constructions nationales. Il est d’ailleurs utile de constater que si la terme « capitalité », presque absent de la langue française, n’est enregistré que depuis 1827 (une seule mention lexicalisée, celle du Dictionnaire classique de la langue française de Rivarol), l’équivalent en espagnol « capitalidad » est bien plus usité, ayant donné lieu à des traités de droit et à des réalités juridictionnelles.
Cette capitalité a une dimension géographique, spatiale, mais aussi une valeur affective et symbolique. Comment une ville peut-elle devenir capitale ? Quels sont les moyens de légitimation d’un espace ? En quelque sorte topographique, la notion suppose une organisation stable, plutôt verticale, pyramidale et centralisée (arborescences, racines…), qui peut faire l’objet de structurations complémentaires ou concurrentes : le réseau, l’horizontalité, le rhizome, le nomadisme, les jeux de ligne… Les capitales culturelles, la capitale politique, reconnues à notre époque, ont-elles des privilèges par rapport à d’autres formes de capitalité ? Des lieux de pèlerinage des sociétés traditionnelles aux capitales olympiques dans le monde globalisé, quelles sont les manifestations de la capitalité, qu’il convient de dissocier d’une centralité administrative ou économique. Le CRIMIC renoue ainsi avec deux traits essentiels de son parcours : transdisciplinarité et histoire culturelle, dans son acception la plus large.
On sera donc attentifs aux dynamiques de la capitalité, à son histoire, en particulier au sein des mondes ibériques marqués par des enjeux impériaux. Les processus de colonisation vont de pair, particulièrement dans les Amériques, à l’érection de nouvelles cités, dont certaines vont âprement disputer à la fondation des entités nationales leur positionnement en tant que capitales. Plus largement, tous les espaces continentaux engagés dans la colonisation des Ibériques, encore jusqu’au milieu du XXe siècle (l’Orient, l’Afrique, certaines régions de l’Europe et bien sûr l’Amérique) pourront être considérés dans notre projet, qui se veut résolument comparatiste et transdisciplinaire. La diachronie des mondes portugais et hispano-américain illustre de manières diverses les modes de construction et de destitution d’une capitale, ainsi que les tensions avec ses négatifs : la province, le subalterne, la périphérie ; ou encore avec des configurations décentralisantes, les diasporas, les capitales multiples, les flux migratoires plus ou moins contraints…
Cette histoire met en jeu de nombreux déplacements physiques, culturels et humains (la traite humaine et les transferts de toutes sortes qu’elle entraîne, l’exil, les migrations volontaires ou forcées, liées ou non à des catastrophes ou ressenties comme telles, les « retornados » au « centre », à la métropole. Mais il s’agit aussi de traduction de langues, de mots et des concepts…, où s’articulent de façon complexe savoirs et pouvoirs, sur des frontières particulières riches en régimes de connaissance variés. La capitalité s’incarne également dans des œuvres et chez des auteurs reconnus, des artistes et des « grands hommes » panthéonisés, des institutions privilégiées, des patrimoines, des archives, des mises en récit et en mémoire, des épistémologies, que nous chercherons à identifier, décrire et interroger, en observant les zones d’ombre, d’oubli, de marginalisation ou de répression qui les accompagnent. En même temps qu’elle cherche souvent à imposer son mode de structuration, la « capitalité » suscite des résistances qui peuvent aller de la subversion aux vagues de décolonisation, en passant par la reformulation des langages et sémiotiques à l’œuvre, les jeux de discordances et d’anachronismes. C’est pourquoi nous tenterons de penser la capitalité dans une démarche qui donne aussi à penser des formes de « décapitalisation ».
Dès 2018, l’équipe engage ce nouveau chantier de recherche, en démarrant par un travail bibliographique et méthodologique visant à déterminer le périmètre du nouvel objet d’étude, en avançant sur le terrain conceptuel, à dégager plus précisément l’état de l’art et à en définir les modalités de mise en œuvre permettant à chaque chercheur de s’y investir selon ses perspectives de recherche. La finalité de cet apport multidimensionnel est qu’il serve d’appui notionnel, conceptuel et sensible aux travaux à entreprendre et surtout que des armes nouvelles soient forgées pour mettre en évidence le retentissement de l’objet, « la capitalité » (plus encore que « les capitales » des mondes ibériques et ibéro-américains), sur les représentations, les imaginaires, les identités, dans les domaines de tous les genres littéraires, des arts visuels, du droit et de l’histoire, avec l’objectif d’affiner progressivement une caractérisation plus précise et resserrée de l’objet.
Par tradition, par leurs orientations disciplinaires spécifiques (arts, littératures, histoire et civilisations), comme par souci de nourrir la réflexion commune du CRIMIC, les axes en tant que groupes de travail auront à cœur d’approfondir la compréhension des aires géopolitiques qui leur sont propres (les pays catalans, les mondes lusophones, l’Amérique latine…), en s’appuyant sur leurs réseaux internationaux de collaboration qui leur sont les plus proches.
Manifestations Penser la capitalité à venir
Ci-dessous les activités de l’axe Penser la capitalité archivées depuis janvier 2021.
2024
Fortuny à Paris
Rencontre avec Francesc Quílez (Conservateur au Museu Nacional d’Art de Catalunya)
2023
La superposition des temporalités dans la ville de Mexico : une archéologie littéraire
Soutenance de thèse
2022
Rencontre avec l’écrivaine argentine Selva Almada
Rencontre avec l’écrivaine argentine Selva Almada, dans le cadre du cycle des nouvelles voix de la fiction hispano-américaine, du séminaire de LALE
Les capitales culturelles dans le monde germanique
Conférence de Michel ESPAGNE dans le cadre du projet “Penser la capitalité” (AG annuelle du CRIMIC)
« Le « Barrio Chino » avant que le temps ne l’efface : mémoire cinématographique d’un quartier ouvrier » et « Internacionalització i modernització cultural, el repte de les editorials i la cultura catalana en el tardofranquisme »
Deux conférences dans le cadre du séminaire d’Études Catalanes et Arts Visuels
Villes et capitalité : espaces de création et d’échange (1888-1937)
Colloque International à Sorbonne Université du 10 au 12 mars 2022
Sueños, tiempos y destiempos. Repensar la capitalidad con María Zambrano
Conférence d’Elena Trapanese (Universidad Autónoma de Madrid), proposée par les axes IBERHIS et LALE (Org. Camille Lacau St-Guily) dans le cadre des “Tertulias de la biblioteca Marcel Bataillon” et du projet transversal du CRIMIC “Penser la capitalité”.
L’activité diplomatique de Barcelone (1498-1640)
Conférence de Mathias Ledroit (Université Gustave Eiffel)
2021
Le musée: voir et faire autrement
Journée d’études organisée par Martine Heredia, Clémentine Lucien et Claudia Teissier
Capitalité et scènes théâtrales. Espagne, XIXe-XXIe siècles
Journée d’étude organisée par les axes IBERHIS et LALE (Coord. : Laurence Breysse-Chanet, Isabelle Cabrol et Anne-Laure Feuillastre)
Madrid, capitale hollywoodienne du franquisme des années cinquante. Construction d’un imaginaire cinématographique de la modernité
Marguerite Azcona soutiendra sa thèse de doctorat intitulée « Madrid, capitale hollywoodienne du franquisme des années cinquante. Construction d’un imaginaire cinématographique de la modernité »
Capitalité et colonialité. Mondes lusophone et hispanophone
Journée d’étude organisée sous forme hybride (présentiel et virtuel) par Maria-Benedita Basto, Alina Castellanos, David Marcilhacy et Michel Riaudel (CRIMIC/IberHis-EL)
La promoció del patrimoni cultural català al cinema de ficció. El cas de Barcelona
Conférence de Jorge Nieto (Universitat de Lleida) et Eva Martín (Universitat de Lleida)
Institucions per a la capital d’una nació sense Estat: la proposta de Josep Pijoan
Conférence de Lluís Quintana Trias (Universitat Autònoma de Barcelona)
La fotografía en el museo, museos de fotografía
Intervención vinculada con el tema transversal de investigación “Prácticas y ritmos urbanos: espacios para mostrar, conservar, restaurar las obras de arte visual”, con una sesión coordinada por Corinne Cristini con Víctor Iniesta Sepúlveda
CONTRECULTURE ET POÉSIE EXPÉRIMENTALE
La séance sera consacrée à la présentation de deux ouvrages récemment parus aux Éditions hispaniques autour du thème de la contreculture et la poésie expérimentale.
Sérgio Ferro, Olhares periféricos: a arquitetura brasileira em debate
Architecte et urbaniste engagé, Sérgio Ferro revient sur sa conception de sa discipline
Deux joyas du Pacifique: (re)constructions patrimoniales à Valparaíso et Guayaquil
Conférence de Diana Burgos-Vigna et Emmanuelle Sinardet (Université Paris Nanterre, GRECUN), programmée dans le cadre du Séminaire interuniversitaire d’histoire contemporaine comparée « Amérique Latine et Espaces Atlantiques » (ALHIM-GRECUN-IBERHIS)
La colección “Les nouveaux médias” del Centre Pompidou
Intervención de Judith Silva Cruzatt en el marco de la reflexión transversal sobre los museos/lugares de exposición, conservación, difusión del grupo Artes visuales del CRIMIC